mardi 25 février 2025

Du Haïku à mes Menues Monnaies par Jean Luc Werpin

Loin de son étang / elle ne plonge plus / la grenouille


C’est en 2016, que je rencontre pour la première fois le haïku en découvrant « Au Fil de l’Eau », le premier recueil de haïkus francophones regroupant des écrits de Paul-Louis Couchoud, d’Albert Poncin et André Faure. Séduit par ces petits poèmes et soucieux d’en apprendre un peu plus, je me procure quelques livres traitant du sujet avant de tenter mes premiers essais.


Je vous épargnerai la lecture de ces tentatives totalement médiocres. Rapidement j’entre en contact avec des auteurs et autrices et je participe à des échanges virtuels sur internet et en présentiel en rejoignant le Kukaï de Bruxelles au sein du quel j’ai fait de bien belles rencontres et reçu de nombreux conseils.


Petit à petit, j’apprends à inscrire mes mots dans la discipline du haïku francophone en respectant un 5/7/5 strict, je me plie aux mots de saison, je découvre des notions de Wabi-Sabi, j’apprends ce que signifient « Kiréji, Toriawase, Ichibutsujitate, etc ».


Mes essais me semblent moins médiocres et commencent à susciter un certain intérêt auprès mes interlocuteurs.


littoral désert / ~ la mer d’automne dépose / quelques coquillages

l’écume du temps / déposée sur tes cheveux / ~ le galop des vagues

vacances d’été / ~ devant la vieille maison / un vélo d’enfant


Au cours de l’année 2017, je suis invité à participer au groupe FaceBook « Haïku Column » dirigé par Monsieur Nagata Mitunori et animé par Madame Mine Mokuse. 

Au sein de ce groupe international, on écrit le Haïku sur deux lignes avec la volonté de favoriser le Toriawase. J’ai intensément collaboré avec ce groupe d’abord en tant qu’auteur avant d’y travailler en qualité de critique. J’ai été traduit en japonais et publié dans les six premières anthologies du « Haïku University », dans le Saijiki consacré aux mots de saison liés au printemps, ainsi qu’à trois reprises dans des revues purement japonaises.


retour des grues / ~ la couronne rouge des érables

première aurore / ~ bien ordinaire l’an neuf s’ébroue à peine

vent frais du ponant / ~ sur la plage le sable asséché


C’est cette expérience qui est le point de départ de mes Menues Monnaies qui ont été publiées en France en juillet 2020. 

Mes Menues Monnaies exposent ma vision et ma pratique du haïku francophone.


le cri des mouettes / emporte le silence / ~ plus vives les vagues

morne Mer du Nord / ~ ses vagues grises sans forces / déroulent l’ennui

jour des morts / ~ la mine réjouie / de la fleuriste


Dans ce recueil j’ai clairement pris le parti de m’affranchir de certaines balises qui encadrent le haïku francophone sans pour autant m’éloigner de ce qui me semble l’essentiel dans le Haïku de tradition, à savoir la célébration de l’instant, le réenchantement de la banalité et de l’éphémère, la sobriété et la brièveté du propos.

Avec mes Menues Monnaies, j’ai conservé l’habituelle disposition sur trois lignes mais j’ai pris davantage de libertés avec le nombre de syllabes pour que mon petit poème puisse être lu sur une seule respiration, c’est toujours pour moi un impératif de réciter mon poème sur un souffle. 

Autant que possible, je tente de proposer deux images, parfois oxymoriques et de les faire entrer en résonance même si je ne refuse pas la construction en une seule expression.


malgré la maladie / je contemple le magnolia / en fleurs

tant vive la vague / venue à ma rencontre / ~ si humble sa fuite

nouvelle lune / plus sombre l’ombre / sans les ombres

déjà le réveil ~ / si fine la soie des rêves / ne résiste pas


Parfois même une extrême brièveté invite le lecteur à s’immerger dans l’instant proposé afin de le percevoir et de le ressentir.


fin d’orage ~ / bien silencieuse / la rizière

solstice d’été / ~ fatigué / le jour lâche prise


Ces écarts avec la règle ne sont pas le fruit du hasard mais ils sont issus d’une réflexion née au départ de la fréquentation des réflexions de Maurice Coyaud, de la lecture des Pop’s de Jack Kerouac et plus récemment des Mop’s de Marcel Peltier et de ma pratique du haïku au sein du groupe Haïku Column.


le doigt / dans le nez / ~ l’enfant.


Aujourd’hui, j’ai de plus en plus le sentiment en me référant à l’hypothèse Sapir-Whorf que le Haïku est consubstantiel à la langue et à la culture japonaise. 

Nous, les non-japonais avons pris le parti d’écrire un poème monostique sur trois lignes, nous confondons allègrement mores et syllabes et nous affublons volontiers nos créations d’un zen de pacotille pour « faire couleur locale ».

Je me méfie de toute traduction du japonais au français car elle est à mes yeux souvent source d’ambiguïté par rapport au sens original. Il suffit pour s’en rendre compte de comparer les multiples traductions du Haïku de Bashô évoquant le plongeon de la grenouille.


Voilà pourquoi aussi, je ne prétends plus écrire de haïkus mais que je préfère présenter, sans les qualifier, mes petits mots sur trois lignes pour offrir un peu de temps à l’instant, célébrer l’éphémère, évoquer l’ineffable.

Offrir peu de mots à mon lecteur afin qu’il puisse s’immerger librement dans mon poème sans me subir telle est la démarche de mes Menues Monnaies.


En règle générale, je compose mes avatars de haïkus en les écrivant sur une seule ligne de 13 ou 14 syllabes. Je les laisse ensuite murir quelques heures, voire quelques jours. Je relis alors plusieurs fois mes mots à haute voix pour en évaluer le rythme et les sons. C’est à ce moment que le haïku prend sa forme définitive, des mots s’en vont, d’autres mots s’en viennent, l’inutile est éliminé autant que possible afin de conserver l’essentiel.


Pour clôturer cet article et illustrer mon dernier paragraphe, je vous proposer un de mes haïkus et sa réduction à l’essentiel en passant du classique 5/7/5 à un 2/3/2 plus dépouillé et réduit à l’essentiel.


en pied de falaise / les fracas de l’océan / ~ la vague s’en va

fracas / et la vague / s’en va


Mes Menues Monnaies ne sont rien d’autre qu’un hommage rendu par un francophone au Haïku de tradition, c’est à dire à celui du Japon.

loin de son étang/ elle ne plonge plus/ la grenouille

池遠/もう飛び込めぬ/かな


 La traduction est de Masataka Minagawa.


loin de son étang/ elle ne plonge plus/ la grenouille

池遠/もう飛び込めぬ/かな


が初めて俳句に出会ったのは2016でした。それは、ポール=ルイ・クシュー、アルベール・ポンサン、アンドレ・フォールの著作を再編集し、フランス語圏初の句集「Au Fil de l’Eau(の糸に)を見つけた時でした。俳句という小さな詩に魅了された私は、もう少し学びたいと思い、俳句に関する本を何冊か手に入れ、最初のエッセーを書きました。

く平凡だったエッセーの内容は省略します。私は急いで著者たちと連絡をとり、インターネットでヴァーチャルな意見交換をし、ブリュッセルの句会に参加しました。これら有用な出会いによって、多くのアドヴァイスを受けることができました。

フランス語圏の俳句の方式に従って、自分の言葉を書き記すことを少しずつ学び、5/7/5を厳格に尊重し、季語を使い、「侘び寂び」の概念を知り、「切れ字、取り合わせ、一物仕立て」などの意味するところを学びました。

のエッセーは少しずつ良くなったようで、仲間の間でも一定の関心を持たれるようになりました。


littoral désert/~la mer d’automne dépose/quelques coquillage

人気なき砂浜/の海に沈む/貝殻いくつ

l’écume du temp/déposée sur tes cheveux/~le galop des vagues

の泡/の髪に乗る/のギャロップ

vacances d’été/~devant la vieille maison/un vélo d’enfant

夏休/古家の前の/子供チャリ


2017に永田満徳さんが指導し、向瀬美音さんが盛り上げるフェイスブックの「俳句コラム」に誘われました。この国際的グループは、「取り合わせ」を広めるために2で俳句を書いています。私は熱心にこのグループと協力し、最初は俳句作者として、次いで批評家として働きました。私の作品は日本語に翻訳され、「俳句大学」の出版した6つの最初の俳句選集に掲載され、歳時記の春に関する季語でも取り上げられ、日本語の雑誌に3回掲載されました。


retour des grues/~la couronne rouge des érables

鶴帰/の赤き冠

première aurore/~bien ordinaire l’an neuf s’ébroue à peine

初明かり/いつもの正月身を震わせなどしない

vent frais du ponant/~sur la plage le sables asséché

しい西風/海岸の砂乾きゆく


この経験が20207にフランスで出版された私の句集の「Menues Monnaies(小銭)」(以下、「Menues Monnaies」)の出発点です。「Menues Monnaiesは私のヴィジョンとフランス語俳句の実作が掲載されています。

le cri des mouettes/emporte le silence/~plus vives les vagues

かもめ鳴き/静寂破/波騒

morne Mer du Nord/~ses vagues grises sans forces/déroulent

l’ennui

陰鬱な北海/なく灰色の波/退屈

jour des morts/~ la mine réjouie/ de la fleuriste

万霊節/あかるい笑顔の/花屋かな


この句集でもって、私はフランス語圏俳句の枠にはまったガイドラインから自分をきっぱり解放する決心をしました。しかし、だからといって、伝統的な俳句の不可欠な要素と考えられるものから離れたわけではありません。それらは、一瞬の切り取り、陳腐と儚さの再生、簡潔さと節度などです。

Menues Monnaiesでは通常の3行書きを踏襲しましたが、音節の数は自由に変えて、短い詩が一気に読めるようにしました。私にとっては一息で詩を朗読することが大切なのです。私はできる限り二つのイメージ、時には対立するイメージを提示し、それらが共鳴するように試みています。といっても、一つの表現で構成することを拒否しているわけではありません。


malgré la maladie/je contemple le magnolia/en fleurs

めども/モクレンに見入る/満開

tant vive la vague/venue à ma rencontre/~ si humble sa fruite

荒波/に会ひ来て/く小波

nouvelle lune/plus sombre l’ombre/sans les ombres

新月/より暗き/の無き

deja le réveil~/si fine la soie des rêves/ne résiste pas

もう目覚め/のごとき夢/えがたし


意図する「一瞬」を読者が察知して感じてもらえるように、時には言葉を極端に簡潔にすることもあります。

fin d’orage~/bien silencieuse/la rizière

嵐去/静寂/青田

solstice d’été/~fatigué/le jour lâche prise

夏至//ひと日の諦め


このような俳句の規則からの私の逸脱は、偶然の産物ではありません。それは、詩人モーリス・コヨ-の見解を何度か読み返すことから始まり、アメリカのジャック・ケルアックのPop(自由詩)作品を読み、最近ではマルセル・ペルティエのMop(最小の詩)を読んで考えた結果であり、「俳句コラム」グループでの実作から生まれたものです。


le doigt/dans le nez/~l’enfant

/の中/子供


ではサピール・ウオーフの仮説(言語が思考を決定する)を参考にしながら、俳句は日本語と日本文化とが一体化しているという印象をますます持つようになりました。私たち非日本人は、一行の詩を三行で書くことを決め、モーラ(拍)と音節を軽々しく混同し、ともすれば作品を「地方色を出すために」安物の禅で飾り立てています。

は日本語からフランス語への翻訳そのものを信用しません。なぜならば、私が見るところ、翻訳は原作の観点・意味という点では、しばしば曖昧さの源であるからです。これは、「蛙飛び込む」の芭蕉の俳句の多くの翻訳を比較してみれば分かることでしょう。

だからそのために、私は「俳句」を書くとは言わずに提示すると言います。ちょっとした言葉を三行で書いて、一瞬の時間を少し提供し、束の間を大切にし、言いようのないものを思い起こさせようとするからです。

読者にわずかの言葉を提供することで、読者が私の存在を気にとめず、詩に自由に没頭できるようにする。それが私の「Menues Monnaiesのやり方です。

原則として、1314音節の一行の俳句でもって自分の分身を作り出します。それから数時間、場合によっては数日間熟成させます。次にリズムや音を調整するために何度も声を出して読み直します。俳句が最終的な形になるのはこの時で、言葉が消えて別の言葉が生まれ、不要な言葉が除かれ、本質的な言葉だけが残ります。

この稿を終えるにあたり、今までに述べたことを例示するために、私の5/7/5の古典的な俳句を2/3/2に簡素化し、本質的なものだけに削ぎ落すやり方を提示します。


en pied de falaise/les fracas de l’océan/~la vague s’en va

崖下/の轟音/く波

fracas/et la vague/s’en va

 轟音/そして波/


Menues Monnaiesは、フランス語を話す一人の人間から伝統的俳句、即ち日本の俳句のことですが、それに捧げた賛辞(オマージュ)に過ぎません。



1 commentaire:

Poème …

sans regrets pour l’envie laissée là sur le bord de ma route © jean luc werpin 12/04/2025