jeudi 3 avril 2025

Mes lectures (4) … Pourqui les non japonais écrivent-ils des haïkus

Extrait du livre …

… aujourd'hui, on assiste à une certaine dérive, quand on apprend que le fameux « haiku moment » est assimilé à l'illumination, telle qu'elle est conçue dans la branche zen du bouddhisme. Aux yeux de beaucoup d'Occidentaux, tout dans la nature devient prétexte à « haïku moment ». Et cela s'est développé en dehors de tout contact avec les poètes japonais de haïku...

… aujourd hui, on assiste à une certaine dérive, quand on apprend que le fameux « haiku moment » est assimilé à l'illumination, telle qu'elle est conçue dans la branche zen du boud-dhisme. Aux yeux de beaucoup d'Occidentaux, tout dans la nature devient prétexte à « haiku moment ». Et cela s'est développé en dehors de tout contact avec les poètes japonais de haiku. Susumu Takiguchi, qui fut vice-président de la British Haiku Society, écrit dans un essai à propos du bouddhisme zen et de ses relations au haiku : « Il est grand temps de corriger ce malentendu fonda-mental, qui donne beaucoup trop d'importance au zen lorsque la question du haïku est abordee en Occident. Ce ne sont pas seulement les pionniers occidentaux qui firent connaître le haiku qui sont à blâmer, et tous les dupes qui les suivirent, mais aussi les Japonais qui les ont aidés. »
L'Américain William J. Higginson lui-même, récemment décédé, dont les travaux sur le haiku font autorité, fustige ce courant qui associe « haiku » et « bouddhisme zen ».Il en voit l'origine dans la manière dont un pionnier qui fit beaucoup pour faire connaître le haïku en Occident, B.H. Blyth (1898~1964), présente ce type de poésie…/… Blyth a beaucoup publié sur le sujet, notamment quatre volumes intitulés « Haiku», de 1949 à 1952, et « History of Haiku », en 1964. Mais les commentaires des poèmes qu'il traduit donnent une importance démesurée au bouddhisme zen. Il dénature la réalité littéraire d'un genre essentiellement écrit, en faisant abstraction du message fondamental zen pour qui « ce qui est l'essence ne peut être mis par écrit » (« Furyûmonji »). B.H. Blyth semble avoir développé cette conception du haiku sous l'influence d'un bouddhiste japonais, Daïsetsu Suzuki (1870~1966). Ce dernier fut un vulgarisateur de la culture japonaise à l'étranger, mais seulement considérée du point de vue du bouddhisme zen. Et le résultat en fut la diffusion d'un haïku devenu jeu de mots mystique et simplet. « En fait, dit Higginson, Blyth nie toute appartenance du haiku à la littérature, ne voyant pas que son parti pris le conduit à une vue extrêmement étroite et même sectaire du haiku, plutôt que d'ouvrir aux lecteurs les innombrables perspectives qu'offre ce genre poétique. La tradition du haiku est plus riche et plus variée que ce que suggèrent les théories de Blyth pour qui tout s'explique par le bouddhisme zen. ». Quant à René Sieffert, infatigable traducteur des œuvres fondamentales de la littérature classique japonaise, qui fut l'un des premiers universitaires à savoir communiquer son enthousiasme pour la poésie de ce pays, il met à propos de Bashô les choses au point : « La lecture des Journaux de voyage (de Bashô) et, plus encore, des textes que l'on trouvera plus loin, montre, s'il était besoin de le démontrer, que non seulement le haïkai n'a rien à voir avec les théories fumeuses des zennistes, qu'ils fussent japonais ou occidentaux, mais qu'il se situe en fait aux antipodes exactement de ces élucubrations. » . 
Il n'est jusqu'à Robert Aitken lui-même, auteur d'une étude sur la poésie de Bashô et le bouddhisme zen, qui très honnêtement déclare à propos de ce poète dont on fait parfois un « moine zen » : « Il portait l'habit des moines zen, mais ce n'était rien de plus qu'une convention entre poètes de haiku à cette époque. Il serait aussi inexact de déclarer Bashô poète zen que de dire de George Herbert qu'il était un poète chrétien ! ». George Herbert est ce poète britannique du début du XVIItme siècle qui s'illustra avec talent dans le mouvement dit de la «poésie métaphysique. Plus loin, Robert Aitken ajoute : « Tout ceci montre que pour Bashô les usages des moines zen lui étaient quelque peu familiers, mais pas assez pour faire du bouddhisme zen quelque chose de plus qu'un simple élément de son environnement culturel. » 



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